Requiem à 2 voix - Rebecca NICAIS

Après le décès de mes parents, outre le chagrin de la séparation vint l’affliction d’avoir manqué de curiosité, le regret des questions jamais posées sur leur enfance, leur jeunesse, leurs espoirs déçus ou leurs grandes joies. Tout à coup, j’aurais voulu obtenir plus de détails sur une anecdote, un souvenir révélé lors d’une réunion de famille ou au cours d’une conversation. Commence alors une plongée dans le labyrinthe de ma mémoire à traquer les réminiscences, les bribes de confidences. Puis je me mis à examiner les albums de photos, à scruter les visages, les expressions, les décors en une quête perdue d’avance. Comment renouer avec le passé, parvenir à dialoguer malgré leur disparition ? Seule mon imagination parviendra à combler les lacunes.  

Lors d’une balade en forêt me vient l’idée de rédiger les mémoires posthumes de mon père, comme s’il me racontait sa vie par-delà la mort. Une façon de se moquer de l’éternité, du temps figé. Au contraire, j’allais utiliser le temps pour scander mon récit et tenter de le suspendre, voire de l’abolir.

Mon héros, un certain Benoît Roussel ressemble à s’y méprendre à mon père mais est-ce vraiment lui ? Quelle est la part d’illusion, de vérité, d’arrangements avec la réalité ?

Dans ce récit apocryphe, j’évoque un artiste, un poète porté par la magie des mots, un peintre inspiré par la musique et la flamboyance des couleurs… Un homme amoureux de l’amour, fasciné par les femmes qui le subjuguent, le mènent, l’entraînent, décident de son destin.

A la voix de Benoît Roussel devait répondre celle de son épouse, celle de ma mère afin qu’elle puisse relater ses jeunes années émaillées d’épreuves propres à forger le caractère, sa rencontre avec un être fantasque, tout son contraire mais d’autant plus séduisant que fragile et imprévisible.

Pour lui donner la parole, j’ai exhumé un cahier imaginaire, un carnet des petits bonheurs mêlés à quelques lettres. Ainsi, au fil des pages, des témoignages, se dessinent sa personnalité, ses illusions, ses joies, ses chagrins, ses rêves accomplis ou brisés.